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    Les joies, les défis et les signes d'espérance dans la mission

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    Charles Phukuta

    Charles Phukuta, CICM
    Supérieur général

     

    Depuis notre fondation par le P. Théophile Verbist, notre vie missionnaire est enracinée dans une riche tradition de foi, de service et de sacrifice. Nos missions nous permettent en général de faire des ponts entre les cultures et les langues, promouvant les valeurs de l'amour, de la compassion et de l'espoir. Bien que cela soit extrêmement gratifiant, cela présente également des défis. Pourtant, au milieu de ces défis, des signes d'espérance illuminent continuellement le chemin à suivre.

    J'étais en Mongolie pour la visite canonique des confrères lorsque notre confrère Renillo Sta. Ana, qui est en charge de la communication, m'a demandé de partager les joies, les défis et les signes d'espérance dans nos missions. Mes récentes visites et rencontres canoniques m'ont conduit au Brésil, au Sénégal, en Indonésie, aux Philippines, en RD Congo, au Cameroun, au Malawi et en Mongolie, offrant de nombreuses occasions d'écouter et de partager avec les confrères dans ces pays.

    1.         Les joies de la mission

    Notre travail missionnaire est une source de joie profonde et unique. Les confrères trouvent leur épanouissement en se mettant au service de ceux qui sont dans le besoin, et voient des vies transformées lorsqu’ils nourrisset la vie spirituelle au sein de diverses communautés. Malgré les temps tumultueux que traverse notre monde en pleine mutation, nous continuons à témoigner d’un monde différent possible et déjà en réalisation. Que ce soit en construisant des écoles à Kinshasa, des hôpitaux au Guatemala et aux Philippines, des églises paroissiales et des chapelles, ou simplement en offrant une oreille attentive et une présence réconfortante, notre mission nous apporte de la joie et donne un sens à la vie. Je tiens à souligner l'engagement indéfectible des confrères, leur fort sentiment d'appartenance et leur travail d'équipe fructueux entre eux et avec les communautés qu'ils servent.

    1.1.      Un engagement indéfectible envers la mission

    L'amour des confrères pour la mission et leur engagement indéfectible sont admirables. Ils s'engagent avec enthousiasme dans la mission en raison de leur foi en la Divine Providence et de leur générosité désintéressée. Leur résilience et leur approche dynamique de la mission sont des sources de fierté et d'appréciation pour nous tous. En réfléchissant à notre passé, nous découvrons que nos confrères ont été des pionniers extraordinaires. Aujourd'hui, de nombreux confrères suivent leurs traces, malgré des possibilités financières réduites et d'autres défis, tels que les problèmes de visa, mais les confrères restent joyeux et dévoués à leur ministère.

    Lors de mes visites canoniques, bien que j'aie rencontré certains confrères qui sont trop préoccupés par eux-mêmes sous la bannière du « moi d’abord », la grande majorité sont de véritables fils du Père Théophile Verbist, altruistes et motivés par leur mission. Je les ai bien sûr rassurés : c'est l'œuvre de Dieu ; Dieu pourvoira à sa mission.


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    Community Life Brings Joy

     

    1.2. La vie en communauté apporte de la joie

    Pour de nombreux confrères, le sentiment d'appartenance à la communauté est fort et la vie fraternelle est évidente, même si certains peuvent la percevoir différemment. L'ambiance entre les confrères est excellente, malgré des constatations occasionnelles de certains groupes favorisant leurs propres intérêts et le «nationalisme» dans quelques communautés. Aujourd'hui, la plupart des confrères vivent ensemble dans de petites communautés, favorisant un véritable sentiment de fraternité et de camaraderie. Ce sentiment d'appartenance et l'atmosphère accueillante entre les confrères attestent de la force de notre vie communautaire saine. Les confrères apprécient vraiment la présence de l'autre et se sentent connectés et appréciés grâce aux moments de prière, les repas partagés et des heures de loisirs agréables.

    À l'exception d'une communauté, l'interculturalité est importante dans les communautés que j'ai visitées. Le voyage est certes difficile, mais l'expérience est inestimable. « Missionnaires religieux de races et de cultures différentes, nous vivons et travaillons ensemble comme des frères. Un seul cœur et une seule âme », nous témoignons de la volonté du Père que tous les hommes et toutes les femmes deviennent frères et sœurs dans le Christ. Nous sommes un signe de solidarité entre les Églises particulières dans leur mission universelle. » (Const. art. 2).

    J'ai été heureux de voir comment les confrères se réunissent pour diverses occasions: retraites, récollections, formation permanente, anniversaires, et même sans raison particulière. La communion fraternelle est essentielle à notre vie missionnaire. Bien que certaines communautés soient assez éloignées les unes des autres, la communion fraternelle exige que nous nous soutenions les uns les autres et que nous montrions un véritable intérêt les uns pour les autres et pour le travail de chaque confrère.1  Se réunir, discuter de l'avenir, prier pour notre peuple et nos confrères, et écouter les histoires des uns et des autres apporte de la joie et nous donne de l'espoir et de la force.

    1.3.      La foi en action pour l'édification de la communauté

    Dans les conversations avec les confrères, beaucoup ont partagé leur joie de voir l'Évangile vécu si vivement dans la vie de ceux qu'ils servent. L'une des façons dont ils incarnent la foi est de construire la communauté. En tant que missionnaires religieux, nous vivons notre communion fraternelle parmi les personnes auxquelles nous avons été envoyés.2  De nombreux confrères se consacrent à la promotion de liens d'unité et d'amour, en créant des communautés fortes, solidaires et enracinées dans la foi. J'ai observé cela dans des endroits comme Mako et Sébikhotane au Sénégal, Erdenet en Mongolie, Boula Ibib au Cameroun et d'autres missions. La plupart des confrères ont souligné comment la culture des gens enrichit leur vie, considérant leur immersion dans les cultures qui les accueille comme des opportunités d'apprentissage, de croissance et de respect mutuel. Cet enrichissement culturel leur apporte également de la joie, car ils entretiennent des relations étroites avec le peuple, évitent le cléricalisme et s'efforcent de communiquer dans la langue du peuple. Sur la base de mes observations des confrères en interaction avec les gens, je peux dire que dans de nombreuses missions, leur approche est enracinée dans la proximité pastorale. Leur style pastoral reflète la simplicité et la proximité, donnant l'exemple à nous tous.


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    2.         Les défis de l'œuvre missionnaire

    Notre travail missionnaire présente des défis. En partant des besoins matériels aux exigences de la vie spirituelle, la vie dans les missions exige un équilibre constant. Voici quelques-uns des défis que j'ai pu constater.

    2.1.      Différences linguistiques, coutumes inconnues et nourriture

    Parmi les défis, citons les barrières culturelles, telles que les différences linguistiques, les coutumes et les aliments inconnus, et une vision du monde différente qui peuvent entraver la communication et une communion efficace. La connaissance limitée de la langue locale conduit certains d'entre nous à s'éloigner de la population locale en raison de la peur de parler dans une langue que l’on ne maîtrise pas encore. Néanmoins, la plupart des confrères parlent couramment les langues locales et ont adopté la cuisine locale et leur mode de vie.

    2.2.      Le danger du « marthalisme » (complexe de Marthe dans l’Evangile)3

    Bien que de nombreuses activités spirituelles soient organisées et encouragées, celles-ci doivent être enracinées dans la vie de prière communautaire des confrères. Dans certaines communautés, les activités sont nombreuses, mais il y a trop peu de temps pour la prière. Nous devons nous rappeler comment Jésus lui-même se retirait souvent pour prier, même au milieu de sa vie intense où Il guérissait les gens et qu’Il leur prêchait la Bonne Nouvelle.

    Le pape François a mis en garde contre le « marthalisme », la tendance à se plonger dans le travail et à négliger « la meilleure part » (Luc 10:38-42). Il nous a rappelé que Jésus a invité ses disciples au repos (Marc 6:31), et que sans repos dans la prière, nous devenons des agités inefficaces.

    Sommes-nous ceux qui sauvent le monde ? Ou sommes-nous de simples instruments dans le plan de Dieu ? Nous ne pouvons donner que ce que nous avons.


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    Charles Phukuta menait une activité d'animation auprès d'écoliers.

     

    2.3.      La nécessité de revitaliser notre esprit de pionniers malgré les ressources financières limitées

    Les ressources humaines et financières limitées entravent souvent la durabilité des projets à long terme et la capacité de répondre aux besoins immédiats des populations, ce qui entraîne frustration et découragement pour certains. Dans certaines communautés, j'ai entendu dire que notre esprit de pionnier missionnaire et notre audace s'estompent, et que l'expansion des zones marginalisées devrait nous inciter à reconsidérer notre présence en vue d'un rayonnement missionnaire dans d'autres périphéries existentielles et géographiques.

    Dans la culture d'aujourd'hui, axée sur le confort, nous pouvons voir les difficultés comme quelque chose à éviter, mais notre fondateur et l'Église primitive nous enseignent que la croissance prend souvent son origine dans l'épreuve. Nous ne sommes pas appelés à rechercher la souffrance, mais à trouver Dieu à l'œuvre même dans les difficultés : comme Philippe s'aventurant en Samarie (Actes 8:4-25), soyons prêts à franchir les barrières culturelles ou sociales pour nous connecter avec des personnes qui sont différentes de nous, et suivons l'exemple des croyants qui sont restés à Jérusalem pour prendre soin de l'Eglise et enterrer Étienne (Actes 8:1-3).


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    2.4.      La nécessité de renforcer notre sentiment d'appartenance

    La solitude que nous pouvons éprouver en étant loin de chez nous, de notre famille et de notre environnement familier peut peser lourdement sur nous missionnaires. Nos efforts missionnaires pour répandre l'Évangile peuvent également se heurter à la résistance, à l'hostilité ou à l'indifférence, conduisant à des sentiments de découragement ou d'échec. De plus, le rejet et les conflits peuvent survenir au sein de la communauté des confrères ou avec les communautés plus largement, qui comprend les paroissiens et d'autres collaborateurs. Je suis très heureux qu'il y ait peu d’endroits où un confrère vit seul dans toutes les missions que j'ai visitées récemment. Au Sénégal, par exemple, aucun confrère ne vit ou ne travaille seul. Certains confrères peut-être ne s'engagent pas dans la vie communautaire de la Province parce qu'ils priorisent leurs propres agendas et assistent rarement aux réunions des confrères. Il est essentiel de valoriser la vie de la Province à côté de nos apostolats assignés. Sans amour pour notre province, nous risquons de trébucher.

    Ces difficultés et d'autres aspects de l'œuvre missionnaire mettent à l'épreuve notre détermination et notre foi. Les surmonter exige le dialogue et l'harmonie entre les confrères et les responsables provinciaux, ainsi que la créativité, la persévérance et la foi inébranlable en la providence de Dieu, comme l'a démontré notre fondateur, Théophile Verbist. De même, malgré ces tensions, alors que certains passent leur temps à se plaindre et à blâmer les autres, la plupart des confrères trouvent du réconfort dans la prière, le soutien de la communauté et la conviction que leurs luttes ont un but à atteindre, ce qui nous dépasse. Lorsque Dieu nous confie une mission, il nous donne aussi les moyens de l'accomplir. Cependant, nous devons d'abord faire confiance au Seigneur et avoir le courage de naviguer sur des mers orageuses.4


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    3.         Signes d'espérance

    Malgré les défis, des signes d'espérance émergent, et nous rappellent  l'impact et l'importance de notre mission. Comme premier signe d'espérance, je veux souligner la présence de l'Esprit Saint et la centralité du Règne de Dieu. Nous ne pouvons pas aborder la question de l'évangélisation aujourd'hui sans considérer deux éléments essentiels de la vision actuelle de la mission : la présence de l'Esprit Saint dans notre monde et la centralité du Règne de Dieu dans la mission de l'Église. Notre foi dans l'action de l'Esprit Saint influence considérablement la manière dont nous accomplissons notre mission d'évangélisation. L'Esprit Saint est toujours à l'œuvre partout, même avant notre présence missionnaire dans chaque mission. Cela favorise une compréhension de la vie missionnaire qui inclut une dimension contemplative quant à la présence et aux actions de l'Esprit du Christ ressuscité au plus profond des personnes vers lesquelles nous sommes envoyés pour partager la Bonne Nouvelle. La mission n'est pas la nôtre ; c'est celle de Dieu.

    La place du Règne de Dieu dans nos efforts d'évangélisation est essentielle. Jésus n'a jamais défini le Règne de Dieu, mais les disciples ont compris qu'Il le révélait de par Son identité, Ses enseignements et Ses actions. Parmi les éléments essentiels, il y a la façon dont Jésus a aidé chacun à trouver sa place dans la communauté en acceptant et en réintégrant les groupes marginalisés de la société. La vie de prière de Jésus révèle notre besoin de prière et nous invite à communier avec Dieu. L'attitude de Jésus envers la loi juive souligne que le seul absolu est Dieu, qui incarne l'amour, la miséricorde et le pardon. De plus, les guérisons et les exorcismes de Jésus sont présentés comme des signes de la présence de Dieu parmi nous, qui indiquent qu’Il est venu transformer les relations au sein de la communauté il y a aussi le dialogue et la solidarité. Collaborer avec différents groupes religieux pour remplir notre mission reflète la solidarité et notre humanité partagée. Que ce soit par la prière, les dons d'organisations comme Missionhurst Promotion, le bénévolat ou tout soutien de la communauté catholique mondiale, cet engagement renforce le ministère des confrères, assure la durabilité et permet un impact durable ;  cela insuffle l'espérance. Ces signes d'espérance et d'autres servent de phares, encourageant les confrères à persévérer et à rester résilients face aux défis.

     

    4.         Exhortation finale

    Ces visites m'ont permis de voir des confrères affronter les joies, les défis et les espoirs avec une résilience remarquable. Le chemin est escarpé, mais l'épanouissement spirituel et communautaire est grand. Le dévouement des confrères nous rappelle le message de l'Évangile : dans le service, nous découvrons notre humanité commune et notre appel divin.

    Paul a rappelé aux Philippiens que la foi inclut la souffrance : « Car il vous a été donné par le Christ, non seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui » (Ph 1, 29).

    En cette Année jubilaire de l'espérance, laissons-nous inspirer par l'Église primitive. Puissent nos difficultés faire grandir en nous une foi plus profonde et un zèle renouvelé.

    « Que l'Esprit nous donne la force. »

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    1 CICM Const., Art. 50.

     2 CICM Const., Art. 49.

     3  S'adressant aux cardinaux, archevêques, évêques, membres du clergé, religieux et laïcs qui sont ses proches collaborateurs, le 22 décembre 2014, le pape François les a exhortés à reconnaître tout péché qu'ils ont pu commettre « en pensées, en paroles, en actes ou en omissions » dans un catalogue de ce qu'il a appelé 15 maladies, dont l'une est le marthalisme.

     4 Réflexions sur les textes de notre Fondateur. À l'occasion du 200e anniversaire de sa naissance, Rome, 2023, p. 4.