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    La mission de CICM dans une Mongolie en mutation: défis

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    Matthieu Ndjeok Golimé

    Matthieu Ndjeok Golimé, cicm
    Missionnaire en Mongolie

     

    1. L'ombre de notre propre origine culturelle

    La plupart des missionnaires travaillant en Mongolie viennent de pays aux racines chrétiennes profondes, comme les Philippines, la Corée du Sud, l'Inde, le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Kenya et l'Italie. Dans ces pays, l'identité catholique est souvent considérée comme allant de soi et appréciée, parfois même comme un privilège. En ces pays le simple fait de connaître l'appartenance religieuse d'une personne ouvre des portes et mérite le respect. Ce n'est pas le cas en Mongolie, où la société et le gouvernement se méfient de l'identité chrétienne. Les Mongols considèrent le christianisme comme une religion étrangère et n'apprécient pas sa présence. Pour les missionnaires en Mongolie, passer d'un statut social majoritaire à un statut minoritaire est un défi, nécessitant humilité et flexibilité. Dans certains cas, l'œuvre missionnaire doit se limiter à un travail social. Travailler en Mongolie en tant que prêtre se limite parfois à servir simplement en tant qu'assistant social.

    2. Défis linguistiques et culturels

    La langue mongole appartient à la famille des langues Altaïques, qui comprend le turc, le coréen et le japonais. Il a sa propre écriture mais utilise maintenant l'alphabet cyrillique. Elle a une structure complexe avec plusieurs possibilités grammaticales pour indiquer la relation entre les mots. C'est très différent du français, de l'anglais, de l'italien et de l'espagnol, que la plupart d'entre nous connaissent. Apprendre le mongol, surtout à un âge avancé, exige plus de détermination. Certains y parviennent, tandis que d'autres peinent à le maîtriser.

    3. Le climat

    Le climat en Mongolie se caractérise par sa nature extrême, avec d'importantes variations de température entre les saisons. L'hiver est rigoureux et long. Il commence à neiger dès le début du mois de septembre jusqu'à la fin du mois d'avril. Les températures peuvent descendre jusqu'à -40° pendant l'hiver. L'été ne dure que trois mois. Ce n'est que pendant ces trois mois que l’on est libre de se déplacer sans vêtements lourds et libre de voyager dans les banlieues. Oulan-Bator, la capitale, est devenue l'une des villes les plus polluées au monde pendant l'hiver en raison de l'utilisation du charbon par les ménages des banlieues pour chauffer leurs maisons. De nombreux Mongols qui en ont les moyens, en particulier les femmes enceintes et celles qui allaitent, quittent la Mongolie pendant cette période pour la santé de leurs enfants. On a l'impression de vivre au ralenti pendant l'hiver. Vivre dans de telles conditions, en particulier pour ceux d'entre nous qui ont grandi dans des pays chauds, peut être un grand défi pour notre santé mentale et physique.


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    4. Défis administratifs

    Un autre défi majeur auquel sont confrontés les missionnaires en Mongolie est la complexité et la variété des questions relatives aux demandes et au renouvellement des visas. Les restrictions administratives imposées aux Églises et aux organisations internationales sont un exemple de ces défis. Les missionnaires et les travailleurs humanitaires peuvent rencontrer des difficultés pour obtenir ou renouveler leurs visas, ce qui peut compromettre leurs activités et leur présence dans le pays.

    Il y a quelques années, le gouvernement mongol a mis en place un système de quotas. La politique exigeait que les Églises emploient huit ressortissants mongols pour chaque missionnaire étranger, une demande que de nombreux prêtres de paroisse ont eu du mal à satisfaire. Même les ONG sont confrontées au nombre déjà élevé de quatre employés locaux par travailleur étranger. Bien que le système de ces quotas ait été progressivement éliminé, le cadre juridique actuel pose un autre défi des plus lourds. Un paiement annuel d'environ 6 000 dollars est requis pour un visa religieux. Pour les organisations soutenues par la générosité et engagées à privilégier le service plutôt que le profit, cette récente hausse n'est pas simplement un coût supplémentaire, elle devient tout simplement intenable. À cette tension s'ajoute le plafonnement strict qui limite le nombre de visas accordés chaque année aux travailleurs étrangers. En 2025, seuls 600 visas ont été attribués à des organisations non gouvernementales internationales ayant un bureau de représentation en Mongolie. Ce nombre ne présente qu'une augmentation modeste par rapport à 2024 et reste susceptible de changer chaque année. Une telle imprévisibilité augmente le climat d'incertitude, compromettant la durabilité et la stabilité de nos engagements.

    Aujourd'hui, en Mongolie, les conditions de l'œuvre missionnaire sont devenues de plus en plus restrictives, en particulier pour ceux qui n'ont pas de visa religieux. Plusieurs missionnaires, y compris certains de nos confrères, ont été arrêtés simplement pour avoir célébré la messe ou prononcé une homélie dans une propriété de l’Eglise. Après leur détention, ils ont été soumis à des interrogatoires et à des réprimandes officielles avant que leurs documents ne leur soient rendus.

    Cette situation a eu des conséquences durables. Les prêtres qui ne sont pas entrés dans le pays avec un visa religieux sont désormais formellement interdits de célébrer des messes publiques, même occasionnellement. Sur les sept confrères actuellement présents en Mongolie, seuls deux possèdent le visa religieux requis et sont donc autorisés à célébrer l'Eucharistie publiquement.


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    5. Défis financiers

    La Mission a connu une croissance rapide en termes d'infrastructures au cours de ses 20 premières années grâce au soutien financier considérable de la Province ASIA et aux collectes de fonds des confrères. Nous devons garder à l'esprit qu'à cette époque, la Mongolie faisait l'objet d'une attention particulière de la part des organisations et des personnes de bonne volonté. Les appels à l'aide ont généralement reçu des réponses positives. CICM versait à ses travailleurs de bons salaires et était donc en mesure de recruter les meilleures personnes.

    Depuis 2013, la Mongolie a commencé à exploiter à grande échelle ses gisements de charbon, de cuivre et d'uranium, ce qui a contribué au développement rapide du pays. La croissance économique réalisée grâce à son secteur minier a fait que la Mongolie n'est plus classée parmi les pays en développement, ce qui a entraîné une réduction de l'attention mondiale. Les organismes de bienfaisance et les donateurs internationaux ont réorienté leur attention vers d'autres régions, ce qui a entraîné une diminution des ressources pour la Mission. Actuellement, CICM peine à réunir les fonds nécessaires au financement de ses quelques projets et services restants. Il est important de noter que la Caritas et la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul ont été reprises par la Préfecture Apostolique en 2020, tandis que la paroisse du Bon Pasteur a été transférée de la même manière en 2025. Par conséquent, CICM dispose désormais de structures limitées à gérer, mais continue de lutter pour les financer correctement. Nous rencontrons des difficultés à payer des travailleurs au service de nos projets en raison des bas salaires. Cependant, les confrères restent engagés et assument leurs responsabilités, en grande partie grâce à l’apport de collectes de fonds menées par Paul Staes à Singapour.

    6. Personnel instable en CICM

    Lorsque je suis arrivé en Mongolie en juin 2008, nous étions un groupe de 11 confrères en Mongolie, dont Mgr Wensceslao Padilla, le Préfet Apostolique, un confrère aux études spécialisées, et quatre stagiaires. Cependant, trois de ces confrères quittèrent la Mongolie l'année suivante, ne laissant que deux confrères qui avaient terminé leur formation initiale. Tous les stagiaires ont assumé très tôt des responsabilités importantes, telles que le poste d’économe du district, l’autre administrateur de la cathédrale SPP, superviseur de VCC, de MHK ou recteur de la maison de district. Malgré ces défis, les choses avancent bien grâce au dévouement des confrères et au soutien de la Province et de nos bienfaiteurs.

    En 2014, les quatre stagiaires ont terminé leur formation initiale et sont pleinement engagés dans différents ministères, et trois autres stagiaires se sont joints à l'équipe entre-temps, portant le nombre total de confrères à 11. Cependant, au cours des trois années suivantes (2015-2017), quatre confrères ont quitté la Mongolie pour diverses raisons, ce qui nous a réduits à sept.

    En résumé, tout au long de ses 33 ans d'histoire, la Mission CICM de Mongolie a accueilli 27 missionnaires de six pays différents. Deux missionnaires ont rejoint le Maître de la Vigne. Six missionnaires (22 %) ont quitté CICM, tandis que 14 (52 %) ont quitté la mission pour diverses raisons. Seuls deux missionnaires sont retournés en Mongolie après leur service. Actuellement, il y a sept confrères (26 %) CICM en Mongolie. Quelles pensées et réflexions surgissent face au fait que plusieurs confrères ont quitté la Congrégation en Mongolie ? Quelles explications possibles pourrait-il y avoir à l'appel de plusieurs confrères à servir ailleurs ? Serait-ce leur désir personnel de partir, ou est-ce parce que cette mission les a dotés de compétences et de la patience nécessaires pour de tels services ou parce que les défis mentionnés ci-dessus les ont poussés vers la sortie ? Les supérieurs ou le district de Mongolie lui-même ont-ils contribué à cette diminution ?

    Conclusion et pistes de réflexion

    La Mongolie occupe une place particulière au cœur de CICM, car elle nous a été confiée par le Vatican et reste sous notre responsabilité, même si le Cardinal Préfet appartient à une autre congrégation. Cette mission est parfaitement en accord avec notre charisme, mais elle présente également de nombreux défis, dont certains viennent d'être mentionnés ci-dessus. Un confrère a souligné à juste titre dans un numéro de notre Bulletin provincial que la mission en Mongolie est coûteuse pour la Province. Cette observation est juste, mais la question pressante est maintenant de savoir comment nous envisageons l'avenir de cette mission malgré ces défis. Cela nécessite l'attention commune des confrères qui travaillent en Mongolie et de toute la Province. Le 16ème Chapitre général a spécifiquement demandé aux Provinces qui ont subi une restructuration d'évaluer leurs expériences. Ce pourrait être l'occasion pour nous de réfléchir à l'avenir de certaines de nos missions, dont celle en Mongolie.


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