Daniël Lodrioor
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Daniël Lodrioor

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Frederic Vital Mees smallDaniël Lodrioor (1934-2020)

 

Né à Roeselare (Belgique) le 21 septembre 1934
Premiers vœux le 8 septembre 1955
Ordonné prêtre le 7 août 1960
Missionnaire en RD Congo (Inongo) et en Belgique
Décédé à Sint-Pieters-Leeuw (Belgique) le 21 mai 2020 à l’âge de 85 ans

 

Le père Daniël Lodrioor était le neuvième d’une famille de douze enfants. Il était très heureux dans une si grande famille et il était toujours choyé pars ses frères et sœurs pour son caractère agréable et son air joyeux. Il avait de très bons contacts avec son frère et ami Gérard qui, comme lui, aimait et jouait au football. C’est pourquoi, pendant sa jeunesse et quand il était au collège, il organisait des matches de football pour les enfants abandonnés, qui ne savaient pas aller à l’école… À 26 ans, Gérard décède des suites d’un accident de voiture : une douleur indescriptible pour Daniël. Alors que ses frères et sœurs choisissaient de faire carrière dans différents domaines de la vie, Daniël, lui, depuis sa jeunesse, voulait être missionnaire et aller à Scheut.

Pour moi, africain, Daniël n’est pas un étranger. Il est arrivé au Congo, et plus précisément à Beronge, ma paroisse d’origine, alors que je n’étais pas encore né. Il m’a vu naître et grandir. C’est à lui que, pour la première fois, j’avais exprimé mon désir de devenir missionnaire Scheutiste. Je le vois encore assis dans son fauteuil, une tasse de café à la main, me répondre : « Nico, liboso, esengeli ozua diplôme d’État na yo, na nsima tokotala » (Nico, dans un premier temps, décroche d’abord ton diplôme d’État, et après on verra, on en reparlera). Deux ans plus tard, c’est le père Antos (Antoon Tanghe), alors curé de la paroisse, qui m’enverra au Noviciat cicm de Mbudi, à Kinshasa.

C’est au Lac Mai-Ndombe, diocèse d’Inongo, que Daniël passera toute sa vie missionnaire. Celle-ci le conduira à Inongo, Lokolama, Beronge, Kiri, Ibamba et Penzua. Ces paroisses se situent dans une région enclavée et difficile d’accès. À peine arrivé en terre de mission, il connaîtra un grave accident de moto à Inongo. Évacué en Belgique pour des soins appropriés, la rumeur se répandit qu’on ne le reverrait plus, oubliant ainsi la volonté de Dieu, la détermination et la bravoure de son serviteur.

Il m’est difficile de résumer sa vie missionnaire. Mais si j’ose la résumer, je partirai de la réponse à son « losako ». Le « losako » est une salutation solennelle de l’ethnie Mongo dont font partie les Ekonda, en République Démocratique du Congo. Elle n’est adressée qu’aux plus âgés. Et la réponse à cette salutation est généralement un proverbe qui donne une leçon morale. À chaque fois qu’on le saluait : « Sango, losako ! » (Père, bonjour), sa réponse était : « Bongisa balabala » (entretiens, construis des routes) ! Un impératif ! C’est la raison pour laquelle, en signe d’affection, ses paroissiens l’appelaient : « Sango balabala » ; lisez : le « père route », et comprenez : le père qui entretient et construit des routes. Parce qu’il était dynamique, joyeux et avait un esprit ouvert, en signe d’affection, on l’appelait aussi « Loondo » (jeune homme) ! Daniël a donc passé toute sa vie missionnaire chez les Ekonda.

L’apostolat de Daniël était celui de développement, de tout homme et tout l’homme. Le développement d’un peuple commence par son instruction et aussi et surtout par la construction des voies de communication, ne cessait-il de nous dire. Daniël prêchait non seulement par la parole, mais aussi par les actes. Partout où il était passé, il avait construit non seulement des chapelles, des églises, mais aussi des écoles, des dispensaires et des ROUTES. Depuis des années, il s’était aussi évertué à l’élagage des arbres au bord de la rivière Lutoy, entre Ireko et Kiri, deux paroisses Scheutistes, pour l’écoulement fluide des marchandises. Je ne saurais ici dénombrer les ponts qu’il avait construits sur la route marécageuse et traversée par ruisseaux et rivières entre Beronge-Kiri-Penzua. Une façon pour lui de désenclaver la région, prémices d’un développement durable !

Daniël aimait la vie. Il partageait beaucoup ! Il était sensible à la souffrance. Il ne voulait pas voir quelqu’un dans la peine. La joie de ses paroissiens était sa joie. Il aimait les gens. Que de souvenirs ! Que retenir donc de lui ? Daniël a été pour ses paroissiens non seulement un pasteur qui a su conduire ses brebis aux pâturages dans les conditions les plus difficiles, mais également l’homme qui s’est employé à ouvrir les Ekonda, enclavés, au monde moderne par l’entretien des voies de communication. Il a consumé sa vie à parcourir nos forêts pour crier Jésus-Christ, écrit Mr l’abbé André Mongo, prêtre du diocèse d’Inongo et premier originaire de la paroisse de Beronge.

Daniël s’est dépensé à alléger la souffrance d’une population qui avait difficile d’accès aux produits de première nécessité, vu son état d’enclavement. Grâce à lui, cette population ne pouvait manquer de savon, de hameçons pour la pêche, de pétrole pour leur lampe à pétrole, de sel, de friperies, de pièces de rechange pour vélo… Il a réussi à insuffler à cette population l’esprit de sa propre « prise en charge », en créant une coopérative, surtout à l’époque où le café était considéré comme l’or noir.

Parce qu’il aimait la vie, il aimait aussi les loisirs. En Mission, Daniël n’avait pas oublié la jeunesse. C’est ainsi qu’on l’a vu mouiller le maillot en jouant au football avec les jeunes de différents villages grâce aux tournois qu’il organisait dans la contrée. Plusieurs fois, il organisait aussi des soirées footballistiques au cours desquelles un film était projeté pour nous apprendre à bien jouer au football. C’était un amoureux de football !

En somme, Daniël fut un grand et vaillant missionnaire ! Pour nous les Ekonda, c’est un baobab qui est tombé. Il prêchait la Bonne Nouvelle du Christ non seulement en paroles, mais aussi en vérité : « Bomba bomba, mabe ! (La vérité affranchit !), disait-il ! Il avait mis en pratique cette parole du Christ : “Toutes les fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait” (Mt 25, 40). Encore aujourd’hui, ses œuvres missionnaires parlent, et notamment à Beronge, Ibamba, Kiri et Penzua. Un vrai témoignage d’amour ! Daniël est passé de ce monde à son Père le jour saint de l’Ascension, tout un symbole ! Après avoir accompli avec amour, générosité, courage et détermination sa mission parmi nous, le Seigneur l’appelle et l’entraîne avec lui dans sa gloire : “Serviteur bon et fidèle, viens te réjouir avec moi” (Mt 25, 21). ■ 

 
par Nicolas Lokula Lukulo