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    Accueillir toute la misère du monde

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    Jean PeetersPar Jean Peeters, cicm  

    La Belgique ne peut pas accueillir toute la misère du monde, on a assez de pauvres chez nous. Voilà ce qu’on entend de plus en plus souvent. Et plus d’une fois, ce sont les mêmes personnes qui ajoutent : « et en plus, il y a déjà tous ces gens qui profitent de nous, tous ceux qui profitent du chômage ou du minimex depuis des années et qui ne veulent rien faire. Qu’on leur fasse couper les herbes le long des talus comme au Luxembourg, au moins, ils seront utiles. »

    Oui, à cause d’une crise qui s’accentue, on sent de plus en plus la grogne qui se manifeste en Belgique. Et même entre nous Scheutistes, les positions sont parfois opposées, et pour de nombreux autres, les sentiments sont partagés. 


    Etrangers

    En ce qui concerne les étrangers européens ou non, la Belgique reste un paradis, et on les

    comprend ; il y a cent ans, les USA faisaient aussi rêver nos grands-parents. Les habitants du Tiers Monde lorgnent vers nous, car comme le disait un ami latino : » vous, Européens, êtes venu chercher nos richesses dans nos pays, alors nous on fait comme les abeilles, si on vole leur miel, elles feronttoutpourleretrouver. Et il ne faut pas croire que ce pillage du Sud est terminé, il continue de plus belle grâce aux complicités locales.

    Les pays de l’Europe de l’Est n’ont pas vécu ces pillages. Ils sont pourtant victimes des

    mêmes mécanismes d’exploitation. En effet, l’ouverture des frontières entre les 27 pays de

    l’Union, le traité de Maastricht, celui de Nice et ceux qui suivent avaient comme but principal, le développement économique des pays de l’Union. En clair, cela ne signifie pasl’augmentation du niveau de vie des Citoyens européens, mais bien celui des grandes entreprises européennes et de leurs actionnaires, généralement au détriment des populations. Des sommes impressionnantes ont ainsi été prêtées pour développer agriculture/élevage, avec comme résultat, la création de fermes gigantesques qui ont immédiatement réduit au chômage (qui n’existe pas !) des centaines de milliers de petits producteurs. Et secondairement, c’est notre agriculture qui en fait également les frais. Et ces mécanismes ont opéré de la même façon pour d’autres petites entreprises qui commencent à disparaître au profitde grosses industries et de banques aux actionnaires plus voraces les uns que les autres.

    On comprend donc aisément qu’en plus de réfugiés qui réellement sont en danger de mort dans leur pays, des milliers d’autres réfugiés dits économiques tentent leur chance dans notre pays comme chez nos voisins. Et il faudra bientôt ajouter les réfugiés climatiques !


    Diviser pour
    régner

    Alors, la population belge est divisée. Il y a ceux qui disent qu’on ne peut laisser à la rue, dans les parcs, dans des taudis ou des squats, des êtres humains comme nous, sans aucun autre revenu qu’une assistance médicale en cas de danger grave pour la santé. Pour d’autres, il est clair que la plupart de ces réfugiés économiques sont des hommes souvent en bonne santé et qui pourraient être utiles dans leur pays : qu’on les renvoie chez eux, manu militari si nécessaire. Ayant vécu au Congo, plusieurs d’entre nous connaissent d’ailleurs certains qui n’ont rien à faire ici comme réfugiés.

    Et c’est là déjà un premier constat que nous pouvons faire : diviser pour régner. Diviser les exclus pour les empêcher de réagir efficacement. Or la réalité est que les exclus du gâteau économique belge et les exclus des autres régions du monde, sont victimes des mêmes mécanismes économico-financiers qui dominent actuellement le monde et l’Europe. Ils sont connus et ont pignon sur rue : le FMI et la Banque Mondiale (qui viennent de commencer leurs ravages en Grèce, Espagne, Italie), l’Union européenne dominée par un libéralisme extrême (exemple : elle prête de l’argent aux banques à bas intérêts, qui elles, le prêtent à leur tour aux États au prix fort !). Ce n’est pas pour rien que le nombre de milliardaires a été décuplé en quelques années !


    Et les profiteurs belges
    ?

    Il est vrai aussi que parmi nous Belges, il y a aussi des profiteurs ; nous en connaissons tous, et malheureusement ce sont ces exemples qui mettent le plus en colère. Mais combien sont-ils exactement ? Quel pourcentage parmi ces dizaines de milliers de demandeurs d’emploi ou ces minimexés ? Celles et ceux qui sont proches du milieu en connaissent, mais ils en connaissent bien plus qui au contraire font tout pour s’en sortir. Des jeunes, des pères et mères de famille fatigués d’introduire des curriculums vitae, de courir la ville à la recherche de preuves de demande d’emploi ou de suivre des formations qui ne mènent souvent à rien. Combien sont-ils à attendre avec impatience la fin du mois pour recharger leur carte du compteur électrique ou faire la file pour recevoir un colis alimentaire ?

    On ne trouve évidemment pas de chiffres exacts, mais il n’est pas impossible qu’il n’y ait à peine que 5 à 10 % de vrais profiteurs, de même pour des personnes qui pourraient faire un effort. Mais si on pouvait comparer la perte financière occasionnée par ce secteur de fraude sociale à la perte engendrée par la fraude ou les accommodements fiscaux estimés eux à 8 à 10 milliards par an, la conclusion serait évidente. De plus, il ne faut pas oublier que dans les régions sinistrées économiquement, bien des jeunes n’ont jamais vu leurs parents partir au travail, malgré tous les efforts de ces derniers à en trouver.


    Que faire
    ?

    Au-delà de nos différences de vue dans la pratique, ne nous trompons pas d’ennemi ! Les réfugiés roms dans la gare du Nord à Bruxelles, réfugiés cachés dans des squats ou dans les bosquets ou sous les ponts à Ostende, Anvers, Bruxelles ou Charleroi ne sont pas les ennemis des milliers de chômeurs, des sans domiciles ou autres exclus de la société belge. Comme nous, ils sont victimes des rapaces de la finance, comme nous ils essayent de survivre dans une Europe dominée par l’ultralibéralisme. Et qui plus est, il faut également savoir qu’il est de l’intérêt des employeurs en Belgique d’avoir un si grand nombre de demandeurs d’emploi légaux et illégaux, car ils font pression sur les salaires.

    Que faire ? Peut-être, avoir plus d’indulgence vis-à-vis des personnes concernées en sachant qu’on est dans le même camp. Car nous aussi, nous voyons notre train de vie diminuer : cinémas, sorties, kermesses, nourriture, chauffage, transports en commun… Nous ne sommes pas ennemis, mais victimes comme eux.

    Mais il nous faut surtout prendre conscience que c’est nous qui votons en Belgique, c’est nous également qui avons installé le Parlement européen et que notre vote les a peut-être confirmés dans leur position. C’est nous aussi qui avons la possibilité de mieux analyser la situation. C’est nous aussi qui avons la possibilité de mieux nous renseigner, de diffuser une information alternative, et peut-être de rejoindre des collectifs qui essayent tant bien que mal de résister à la vague destructrice d’humanité qui risque de nous submerger si nous n’y prenons garde.