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    Vivre en Communauté

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    Jan ReynebeauPar Jan Reynebeau, cicm

    Vivre en communauté peut être une bénédiction, ou un enfer; parfois un purgatoire. La vie commune ne laisse personne indifférent. Mais elle peut parfois tourner à la froideur. Cela arrive quand la chaleur disparaît. Et cela n’arrive que rarement d’un seul coup. Vivre ensemble, cela se fait à partir de la diversité. Chacun a son tempérament et sa sensibilité, ses préférences et ses aversions. Et cela provoque souvent chez l’autre personne une réaction de sympathie, d’antipathie ou de nervosité. Ces sentiments nous tombent dessus. Nous ne les choisissons pas nous-mêmes. La question est alors: qu’allons-nous en faire? Nous avons certes la liberté d’en disposer.

    Vivre ensemble n’est pas toujours facile. Nulle part. Pas même dans une famille exemplaire, encore moins dans la société. Nous vivons en frères les uns avec les autres. Godfried Bomans a écrit: “Les hommes sont nos frères. Mais on se lasse parfois de cette famille”. C’est exact. On n’a pas la même affinité avec tous ses frères. De plus, en tant que religieux, nous avons souvent cultivé une image idéale. Et si la réalité n’y correspond pas, nous réagissons de manière critique. Si cette critique n’est pas entendue et qu’elle n’est pas immédiatement suivie d’effet, nous nous glissons dans notre coquille.

    Cette coquille est comme un cocon sûr, où les désirs non réalisés et les sentiments sans réponse ne cessent de bouillonner. Si cela arrive souvent, et se produit chez plus d’un, et persiste, la dynamique dans une communauté devient une spirale descendante. Cela ne réjouit personne.

    Du poil à gratter

    Cela semble passablement négatif. Heureusement, nos communautés sont de bonnes communautés. Mais, même les communautés bonnes au départ ne sont pas immunisées contre des infections latentes. Celles-ci commencent avec des symptômes à première vue innocents: quelqu’un ne vient plus à table ou au potus; un autre s’enferme toute la journée dans sa chambre; à une table de quatre ou six personnes on ne dit plus un mot; de deux tables presque vides on aurait facilement pu en faire une seule; d’autres sont constamment absents sans laisser d’information aucune. Ce n’est pas un drame si cela arrive de temps en temps. Il n’est pas nécessaire de bavarder et de papoter tout le temps ; il ne faut pas que “j’aime” toujours, et je peux à l’occasion passer une journée seul avec moi-même. Et il m’est certes permis d’envoyer quelquefois tout le monde se promener, ou au diable.

    Ce n’est que si ces ‘quelquefois’ deviennent une ‘habitude’ qu’on peut se demander si cela favorise la qualité de notre vie commune. Et si nous devrions tout simplement laisser les choses se passer comme ça, serait-ce donc la seule respon- sabilité du recteur? Ou sommes- nous mutuellement responsables les uns des autres?

    Être responsable signifie répondre à la demande et à l’attente des autres de se retrouver bien ensemble.

    Des paroles comme intimité, vie privée, liberté et justice, sont ici des concepts précieux, à moins qu’elles ne soient invariablement précédées de l’adjectif inflexible ‘mon, ma’. Dans ce cas, une réponse devient une anti-parole. Ainsi, toute communication est bâillonnée.

    Il se fait que la communication est précisément ce autour duquel tout gravite dans une vie en commun. Les bonnes communautés sont des communautés où les confrères se parlent. Et cela regarde plus que de simples appareils auditifs. Quelqu’un a dit: “Je suis bien ici, mais j’ai besoin de pouvoir parler avec quelqu’un de quelque chose de sérieux. C’est ce que je ne trouve pas ici”. Un autre: “Nous sommes tous frères les uns des autres, mais en fait nous ne nous connaissons pas”. Un autre, encore, ne revit que lorsqu’on parle de ‘la mission’, car ce qui déborde du cœur.

    Ouverture, communication et histoires de vie

    Les trois points auxquels nous devons porter une attention parti- culière dans nos communautés sont: ouverture, communication et histoires de vie. Nous les considé- rons rapidement à tour de rôle. Ouverture à ce qui se passe dans le monde proche et lointain, de choses bonnes et moins bonnes. Mais également ouverture réci- proque, aux joies et peines d’un chacun, et à ce qui intéresse les autres.

    Cette ouverture nous donne l’occasion d’en dire quelque chose entre nous (communication). Ça peut être grave, mais ce n’est pas toujours requis. En se parlant, on apprend à se connaître. La parole et la réponse créent de l'animation.

    Enfin, les histoires de vie sont une façon idéale de laisser le passé et le présent se fondre. Aujourd’hui, beaucoup d’entre nous sont âgés et épuisés. Ce n’est là qu’une partie limitée de la vie d’une personne. La partie la plus importante se déroule dans le passé. Partant, pouvoir raconter celle-ci complète l’image de qui je suis réellement. C’est ainsi que je veux être connu en tant qu’être humain, dès aujourd’hui, et pas seulement lors de mes obsèques. On pourrait peut- être à l’occasion en parler entre nous. ■