Contact Us  |  

    Notre argent et nos talents

    Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
     

    Atkin TimPar Tim Atkin, cicm

    Il y a quelques jours, j’écoutais une émission sur la crise financière actuelle. Un des commentateurs a dit une chose qui a vraiment retenu mon attention. Il affirmait que, pendant les cinq cents dernières années, ce qu’il fallait pour lancer et pour développer une affaire rentable, c’était le capital, l’argent ! Il poursuivait en disant que le succès en affaires ne résidait pas tellement dans le fait d’avoir une idée géniale ou de venir avec une nouvelle invention que dans le fait de pouvoir disposer d’un flux de capitaux solide et sûr.

    Il donnait l’exemple de Sony Corporation. En 1945, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, lorsque Akio Morita et Masaru Ibuka décidèrent de monter une compagnie au Japon, ils n’avaient aucune idée de ce qu’ils allaient produire ; leur seul souci était de rassembler un capital. Celui-ci acquis avec certitude, ils réunirent un bureau de directeurs et alors seulement, ils se mirent d’accord ; sur ce que leur société allait faire. Ils décidèrent d’entrer dans le nouveau domaine de l’électronique ; le reste comme ils le disent eux-mêmes, n’est que de la petite histoire.

    Le commentateur insistait sur le fait que maintenant, cela ne marche plus comme cela. « Aujourd’hui, disait-il, le premier ingrédient d’une affaire qui marche, ce n’est plus le capital, mais bien le talent des personnes. Au cœur de l’actuelle crise financière, alors que le capital est très fragile, il y a des  entreprises qui continuent à progresser parce que leurs conseils ont misé sur les talents des personnes et les ont aidées à développer leurs aptitudes. Ainsi, des compagnies comme Apple continuent à fournir de nouveaux produits que les gens sont avides d’acheter, qu’ils en aient besoin ou non ! ».

    Cette réflexion sur l’importance du capital par rapport aux talents personnels dans le monde des affaires a suscité en moi une interrogation : n’y aurait-il pas quelque chose de semblable en train de se passer dans le monde de la mission ? En aucun cas, je ne désire dévaluer le talent, ni l’engagement, ni le courage de nos prédécesseurs ou des confrères au travail aujourd’hui. Mais il me semble que nous pourrions facilement développer une façon de penser qui établirait une égalité entre le succès de la mission et le montant d’argent qu’il nous est possible de rassembler et donc de dépenser. Cela n’est sans doute pas tellement surprenant.

    Au risque de trop simplifier, je voudrais dire que, dans le passé, notre succès dans la vie missionnaire a beaucoup dépendu du montant d’argent que nous pouvions récolter.

    Membres de CICM, notre mission incluait la plupart du temps notre engagement dans des endroits reculés du monde et donc la construction d’infrastructures paroissiales : églises, presbytères, écoles, dispensaires… Nous arrivions des endroits où rien n’existait en termes d’Église et il nous fallait mettre des structures en place. Les gens venaient parce que les structures existaient. Bien sûr, nous ne faisions pas que cela ! Mais l’édification de nos communautés interférait avec la création des structures et en dépendait ! De nouveau, je risque de paraître simpliste ; mais on pourrait presque dire que le travail missionnaire consistait dans le fait de rassembler un capital pour assurer les bâtiments. Le succès de la mission dépendait du succès dans la récolte des fonds.

    Bien sûr, tous les confrères ne voyaient pas les choses de cette manière et ceux qui le faisaient avaient sans doute une position plus nuancée que celle que j’avance ici. Mon propos est de poser la question suivante : cette connexion entre la mission et l’argent ne constituait-elle pas en partie la mentalité CICM à propos de la mission ? Nous en avons hérité et, jusqu’à un certain point, n’est-elle est toujours une composante de notre tournure d’esprit aujourd’hui ?

    Quand nous réfléchissons à la mission dans le futur, il nous faut nous demander quel sera le rôle de l’argent et quels seront les talents et aptitudes que nous apporterons à notre travail. Le slogan « Si vous la construisez, ils viendront » a pu être vrai autrefois en Amérique latine ou en Afrique, mais cela change très rapidement. Je ne pense pas que cet axiome ait été en application dans la plus grande partie de l’Asie ; il ne l’est certainement pas en Europe. Il est vrai aussi que beaucoup de services comme les écoles et les dispensaires pris autrefois en charge par les missionnaires le sont aujourd’hui par les gouvernements ou par des organisations non gouvernementales. En conséquence, quel est le rôle du missionnaire s’il n’est plus constructeur ni celui qui gère les besoins fondamentaux que sont l’éducation et la santé ?

    Je crois que dans l’avenir, le succès de la mission dépendra beaucoup plus de nos talents, de nos aptitudes que de l’argent récolté et dépensé. Par exemple, les gens d’aujourd’hui ont plus faim de spiritualité que de structures et de constructions paroissiales. Le missionnaire qui aura de succès sera celui qui sera profondément spirituel., celui qui saura partager sa vie spirituelle et éveiller celle des autres personnes. Devenir ce style de missionnaires ne demande pas beaucoup d’argent, mais seulement un engagement ferme à approfondir en nous ce domaine précis par la prière, l’étude et l’accompagnement spirituel. Les gens n’ont pas besoin de personnes qui leur disent ce qu’ils doivent faire ou qui sont toujours d’accord avec ce qu’ils pensent ; ils privilégient ceux qui vont les écouter, leur donner les conseils nécessaires en les laissant libres de décider par eux-mêmes. Cela ne demande pas beaucoup d’argent, mais réclame de prendre l’engagement d’acquérir et de mettre en pratique les aptitudes à écouter et à conseiller. Sommes-nous des missionnaires à même de réaliser ces tâches ?

    Dans le monde d’aujourd’hui, il y a certainement encore beaucoup d’hommes et de femmes qui ne jouissent pas de ces services fondamentaux. Mais, qu’est-ce qui est le mieux à longue échéance : essayer de leur fournir nous-mêmes les services dont ils ont besoin ou leur apprendre à s’organiser eux-mêmes en vue du changement en ce domaine ? La première réponse demande des sources énormes dont nous, missionnaires, nous ne disposons plus. La seconde n’exige pas beaucoup d’argent, mais réclame vraiment nos aptitudes, notre temps, notre engagement sans faille.

    Comme nous le savons tous, depuis quatre années, notre monde traverse une crise financière et, jusqu’aujourd’hui, on n’en voit pas la fin. Certains d’entre nous en ont ressenti les effets dans leur travail, d’autres non. Manifestement, les provinces qui sont devenues dépendantes d’un capital investi en souffrent le plus. Ils disent que chaque crise peut être une occasion.

    Dernièrement, je parlais de cette crise avec un confrère et de ses effets sur notre vie. Je disais que beaucoup de confrères trouvent humiliant de dire aux gens que les budgets ont été diminués et qu’il n’est plus possible de faire certaines choses que l’on faisait quelques années auparavant. Il me répondit que peut-être, il nous faut avoir de l’humilité pour reconnaître la valeur de ce que nous avons à offrir. Il nous faut avoir de l’humilité pour reconnaître la valeur de ce que nous avons à offrir ! Il y a beaucoup de sagesse dans ces paroles ! Ce que nous avons à offrir et qui soit réellement très riche, ce n’est pas notre argent, mais bien la mise en œuvre de toutes nos possibilités. Si nous pouvons commencer à insister davantage sur cela, la mission continuera et, vraisemblablement, nous y trouverons aussi plus de bonheur et d’épanouissement personnels.